Page:La Vie littéraire, I.djvu/66

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Les révoltes ont, parmi elles, une force et une durée dont s’étonneraient aujourd’hui les religieuses du Sacré-Cœur ou des Oiseaux.

À douze ans, mademoiselle de Choiseul, apprenant tout à coup l’indignité de sa mère, impose le silence et le respect à ses compagnes par la généreuse fermeté de son attitude. À huit ans, mademoiselle de Montmorency est menacée pour quelque faute par mademoiselle de Richelieu, alors abbesse, qui lui dit en colère : « Quand je vous vois comme cela, je vous tuerais. » Elle répond : « Ce ne serait pas la première fois que les Richelieu auraient été les bourreaux des Montmorency. » À quinze ans, elle meurt comme une dame de Port-Royal. Ses os étaient cariés, son bras gangrené. « Voilà que je commence à mourir, » dit-elle. Elle demanda pardon à ses gens, qu’elle fit assembler, et reçut les sacrements… Quelques moments plus tard, elle tint à sa sœur ces graves propos : « Dites à toutes mes compagnes de l’Abbaye-aux-Bois que je leur donne un grand exemple du néant des choses humaines ; il ne me manquait rien pour être heureuse selon le monde, et pourtant la mort vient m’arracher à tout ce qui m’était destiné… » Elle fit un effort pour tousser et expira[1].

Ces filles des plus illustres maisons de France se distinguent par la fierté et par le courage. Leurs maîtresses, qui sont pour la plupart du même sang

  1. Histoire d’une Grande Dame au XVIIIe siècle, p. 73 et suiv.