Page:La Vie littéraire, I.djvu/69

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Si nos jeunes bourgeoises rêvent beaucoup, c’est aussi que la vie leur donne beaucoup à rêver. Elles peuvent désormais, dans la confusion des vieilles classes, dans le tumulte des mondes qui se choquent, se hausser par un mariage jusqu’à des titres et des couronnes.

C’est, en 1885, l’ambition de mademoiselle Catherine Duval. Son père, nous l’avons dit, est un gros marchand de papier du Marais. Elle veut être une grande dame. Voilà pourquoi elle rêve ; elle l’avoue ingénument. « Un seul désir m’agite, dit-elle, une seule ambition me saisit et me possède tout entière… Moi aussi, être, un jour, une de ces femmes sur lesquelles Paris a sans cesse les yeux fixés ! Et moi aussi, au lendemain d’un grand bal, délicieusement lasse, entendant encore à mon oreille le bourdonnement de déclarations aimables et tendres, sentant encore sur mes épaules la caresse et la flamme de mille regards admirateurs, moi aussi, lire dans le Carnet d’une mondaine ou dans les Notes d’une Parisienne que la plus jolie à ce bal, et la plus fêtée, et la plus entourée, et la mieux attifée, et la plus jalousée, c’était moi, moi, moi, Catherine Duval, métamorphosée en marquise ou en comtesse de je ne sais quoi. » (Princesse.) La vie moderne laisse une grande marge au désir. Elle permet à Jeanne Avril et à Catherine Duval de vastes espérances ; elle leur apporte des « peut-être » nouveaux. Elle excite les ambitions en multipliant les chances.