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LA VIE LITTÉRAIRE.

qui découvraient en souriant le néant des choses, et qui écrivaient des contes sur le mal universel. Le chevalier de Boufflers, hussard et poète, a fait pour sa part un petit conte qui est si gracieux, si philosophique, si grave et si léger, si impertinent à la fois et si indulgent, qu’on ne peut l’achever sans un sourire mouillé d’une larme. C’est Aline reine de Golconde. Aline était bergère ; elle perdit un jour son pot au lait et son innocence, et se jeta dans les plaisirs. Mais elle devint sage quand elle fut vieille. Alors elle trouva le bonheur. « Le bonheur, dit-elle, c’est le plaisir fixé. Le plaisir ressemble à la goutte d’eau ; le bonheur est pareil au diamant. » Nous voici au dix-neuvième siècle ; vous désignez avec moi Stendhal, Charles Nodier, Balzac, Gérard de Nerval, Mérimée et tant d’autres dont les noms se pressent si fort, que je n’ai pas même le temps de les écrire.

Parmi ceux-là les uns ont la douceur, les autres la force. Aucun la gaieté. La révolution française a guillotiné les grâces légères, elle a proscrit le sourire facile. La littérature ne rit plus depuis près d’un siècle.

Nous avons fait à M. Guy de Maupassant un assez beau cortège de conteurs anciens et modernes. Et c’était justice.

M. de Maupassant est certainement un des plus francs conteurs de ce pays, où l’on fit tant de contes, et de si bons. Sa langue forte, simple, naturelle, a un goût de terroir qui nous la fait aimer chèrement. Il possède les trois grandes qualités de l’écrivain français, d’abord