Page:La Vie littéraire, II.djvu/102

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Saniel de M. Hector Malot est jeune, intelligent, énergique. Il a donné un but à sa vie et il se dit : pour atteindre ce but, il faut que je supprime une existence humaine, celle d’un être méprisable et nuisible. Il regarde son crime en face et il le commet, il tue un vieil usurier. Ce Saniel, fils d’un rude paysan d’Auvergne, ignore la haine comme l’amour. Il est étranger à toute sympathie humaine, il ne vit que pour la science et s’absorbe dans des recherches physiologiques qui l’ont conduit déjà à de grandes découvertes. Une telle âme est incapable de remords. Aussi n’a-t-il point l’horreur de son crime. Il se dit même que ce qu’il a fait est raisonnable ; pourtant il lui est impossible de se retrouver après l’acte ce qu’il était avant. Comme Raskolnikof encore, il est saisi, possédé par son crime. Son esprit obéit à une logique aussi étrange qu’implacable. Il se passe en lui des phénomènes analogues à ceux que M. de Vogüé a si précisément décrits à propos du héros de Dostoïevsky : « Par le fait irréparable d’avoir supprimé une existence humaine, tous les rapports du meurtrier avec le monde sont changés ; ce monde, regardé à travers le crime, a pris une physionomie et une signification nouvelles qui excluent pour le coupable la possibilité de sentir et de raisonner comme les autres, de trouver sa place stable dans le vie. » (Le Roman russe, par le vicomte E.-M..de Vogüé, p. 248.)

Dans cette étude, l’écrivain russe passe de beaucoup en atrocité le romancier français. Mais qui pourrait