Page:La Vie littéraire, II.djvu/107

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contre, chez beaucoup de fort honnêtes gens. Le crâne de Lamennais et celui de Gambetta étaient très petits ; le crâne de Bichat n’était pas symétrique. Nous connaissons tous d’excellentes personnes qui sont atteintes de daltonisme, de strabisme, de débilité, ou qui sont camuses, prognates, etc. Que M. Lombroso se mette en état d’annoncer aveu certitude, après examen, que tel sujet sera criminel et que tel autre restera innocent, ou qu’il renonce à se déclarer en possession des caractères spécifiques de l’uomo délinquante. Les connaissances positives se reconnaissent à la sûreté des prévisions qu’on en tire. À vrai dire, je crois bien que l’habile anthropologiste italien ne parviendra jamais à ramener à un type unique tous les hommes criminels. Et la raison en est que les criminels sont, par nature, essentiellement différents les uns des autres, et que le nom qui les désigne ne présente rien de net à l’esprit. M. Lombroso n’a pas même songé à définir ce mot de criminel. C’est donc qu’il le prend dans l’acception vulgaire. Vulgairement nous disons qu’un homme est criminel quand il commet une très grave infraction à la morale et aux lois. Mais, comme il y a beaucoup de lois et que les mœurs ne sont pas stables, les diversités du crime sont infinies. En réalité, ce que M. Lombroso appelle un criminel, c’est un prisonnier. Tous les prisonniers finissent par se ressembler en quelque chose. Le régime qui leur est commun détermine en eux certaines anomalies particulières par lesquelles ils se distinguent à la longue des hommes qui vivent librement. On en peut dire autant