Page:La Vie littéraire, II.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jalouse du passé. C’est un grand malheur auquel les âmes délicates et fières sont sujettes. Elle souffrait cruellement à la pensée que celui qu’elle aimait avait donné jadis à d’autres qu’elle une part du trésor où elle puisait maintenant avec délices. Elle ne put retenir ses plaintes. Le poète lui fit un sonnet pour la consoler.

Dans ce temps, j’épelais pour mieux savoir te lire,
Et tous les vieux amours qu’il te plaît de maudire
Enseignaient à mon cœur quelque chose pour toi.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Et j’ai mis à tes pieds, virginale maîtresse,

La brûlante moisson de toute ma jeunesse,
Le sauvage bouquet fait de toutes mes fleurs.

À son tour, il lui faisait des reproches. Il avait à se plaindre d’elle, puisqu’il l’aimait. Madame de Rayssac était musicienne et peintre avec ardeur. Elle chantait pendant de longues heures et allait dessiner dans son atelier. « Je m’effraye de ces dépenses », disait le poète avec l’accent d’un tendre reproche :

Ce qu’on donne à la poésie,
En es-tu sûre, enfant chérie,
N’est-il pas perdu pour l’amour ?

Tels étaient les soucis de ces deux êtres heureux et bons. Mais un jour le poète se réveilla pâle et souffrant. La phtisie l’avait atteint ; elle fit des progrès rapides. Saint-Cyr de Rayssac mourut à Paris le 15 mai 1874, dans sa trente-septième année.

Ses vers furent publiés quatre ans après par les