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la vie littéraire.

La frontière reste indécise. Chacun place des bornes à sa fantaisie. »

Puis venant à examiner la valeur des témoignages et la créance due à la tradition, M. Bourdeau établit aisément que la constatation des faits par l’historien est toujours une opération malaisée et de succès incertain.

Nous voilà parfaitement d’accord, M. Bourdeau et moi. J’en suis fier, car je tiens l’esprit de M. Bourdeau pour ferme et assuré. Donc il n’y a pas, à proprement parler, de science historique.

Du moins, cette vérité qu’on poursuit en vain quand il s’agit d’établir un événement ancien, pourra-t-on l’atteindre si l’on se borne à constater un fait contemporain ? Si le passé nous échappe, pouvons-nous saisir le présent ? M. Bourdeau ne le croit pas. Il défend bien aux chroniqueurs et aux mémorialistes de ne point mentir, et il raconte à ce propos l’aventure de Walter Raleigh. Enfermé à la Tour de Londres, cet homme d’État s’occupait à écrire la seconde partie de son Histoire du monde. Un jour, il fut interrompu dans ce travail par le bruit d’une querelle qui éclatait sous les fenêtres de sa prison. Il suivit d’un regard attentif les incidents de la rixe et crut s’en être bien rendu compte. Le lendemain, ayant causé de la scène avec un de ses amis qui en avait aussi été témoin et même y avait pris une part active, il fut contredit par lui sur tous les points. Réfléchissant alors à la difficulté de connaître la vérité sur des événements lointains, quand il avait pu se mé-