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SUR LE SCEPTICISME[1]


J’ai vécu d’heureuses années sans écrire. Je menais une vie contemplative et solitaire dont le souvenir m’est encore infiniment doux. Alors, comme je n’étudiais rien, j’apprenais beaucoup. En effet, c’est en se promenant qu’on fait les belles découvertes intellectuelles et morales. Au contraire, ce qu’on trouve dans un laboratoire ou dans un cabinet de travail est en général fort peu de chose, et il est à remarquer que les savants de profession sont plus ignorants que la plupart des autres hommes. Or, un matin de ce temps-là, il m’en souvient, je suivais à l’aventure les allées sinueuses du Jardin des Plantes, au milieu des biches et des moutons qui passaient leur tête entre les arbustes pour me demander du pain. Et je songeais que ce vieux jardin, peuplé d’animaux, ressemblait assez au paradis terrestre des anciennes estam-

  1. Les Sceptiques grecs, par M. Victor Brochard. Impr. nat., 1 vol. in-8o.