Page:La Vie littéraire, II.djvu/155

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Es-tu mort, Pyrrhon ? — Je ne sais. »

Et je me pris à penser que, sauf un point, le philosophe et le prêtre avaient pourtant pensé de même.

Tous ces souvenirs me sont revenus tantôt à tire-d’aile, tandis que je lisais l’étude que M. Victor Brochard consacre à Pyrrhon dans son excellent livre sur les sceptiques grecs. Rien n’est plus intéressant. Ces Grecs ingénieux ont inventé d’innombrables systèmes philosophiques. Les écoles s’amusent de la brillante vanité des disputes, les esprits sont tiraillés, assourdis ; c’est alors que naît le scepticisme. Il paraît au lendemain de la mort d’Alexandre dans cette orgie militaire qui souille de crimes monstrueux la terre classique du beau et du vrai.

Démosthène et Hypéride sont morts. Phocion boit la ciguë.

Il n’y a plus rien à espérer des hommes ni des dieux. C’en est fait de la liberté et des vertus antiques. Il est vrai que l’état politique d’un peuple ne détermine pas nécessairement la condition privée de ses habitants. La vie est quelquefois très supportable au milieu des calamités publiques, mais véritablement les temps de Cassandre et de Démétrius étaient exécrables. D’ailleurs, il faut se rappeler que la tyrannie, même douce, répugna longtemps à l’âme hellénique.

Pyrrhon était d’Élis, en Élide ; peintre d’abord et poète, il naquit avec une imagination vive et une âme irritable. Mais il changea tout à fait de caractère par la suite. Ayant embrassé la philosophie, qui était alors en