Page:La Vie littéraire, II.djvu/162

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en luttant contre le titan du théâtre grec, fait preuve de souplesse quand il lui faut se mesurer avec un génie fluide et caressant comme Euripide. Il a trouvé pour cette rencontre des trésors de douceur, de grâce et de tendresse. Lui, robuste et violent quand il lui plaît, s’est montré ici harmonieux et pur. En vérité, on ne saurait pousser plus avant que n’a fait ce maître l’art prestigieux du vers. Cette nouvelle œuvre, comme les précédentes, étonne par son infaillible perfection.

J’ai dit que la grâce de l’Apollonide était une grâce, pieuse. Il y a, en effet, dans l’original ? grec un parfum de sanctuaire que le poète français a soigneusement conservé. Le héros est un prêtre adolescent, la scène un temple, chaque chœur une prière, le dénouement un oracle.

Euripide n’était pas religieux. Il était athée. Mais il était tout ensemble athée et mystique. Il excellait à peindre les jeunes religieux qui, comme Ion et Hippolyte, unissent à la beauté de l’éphèbe la pureté de l’ascète.

Au lever du jour, ce jeune Ion, vêtu de blanc et couronné de fleurs, descend les degrés du temple d’Apollon et dit, en cueillant un rameau de laurier symbolique :

 Ô laurier, qui verdis dans les jardins célestes,
 Que l’aube ambroisienne arrose de ses pleurs !
 Laurier, désir illustre, oubli des jours funestes,
 Qui d’un songe immortel sais charmer nos douleurs !
 Permets que, par mes mains pieuses, ô bel arbre,
 Ton feuillage mystique effleure le parvis,
 Afin que la blancheur vénérable du marbre
 Éblouisse les yeux ravis !
 Ô