Page:La Vie littéraire, II.djvu/181

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une peinture de madame Vigée Le Brun. On ne peut imaginer une plus aimable créature. Elle a des cheveux blonds, tout bouffants, avec d’épais sourcils et des yeux noirs. Le nez un peu gros, est carré du bout. Quant à la bouche, c’est une merveille. L’arc en est à la fois souriant et mélancolique ; les lèvres, voluptueuses et fortes, prennent, en remontant vers les coins, une finesse exquise. Un menton gras, un cou frileux, une taille souple dans une robe rayée à la mode du temps, des poignets fins, je ne sais quoi de doux, de caressant, de tiède, de magnétique en toute la personne : elle n’a pas besoin d’être belle pour être adorable.

Elle avait vingt-sept ans, disions-nous, quand elle rencontra le chevalier de Boufflers, qui en avait trente-neuf. C’était un beau militaire, un joli poète, un fort honnête homme et par-dessus tout un très mauvais sujet. Elle voulut lui plaire, elle fut coquette. Une femme de cœur n’est pas coquette impunément. Celle-ci se fit aimer, mais elle aima davantage.

Vingt-cinq ans plus tard, la comtesse de Sabran, devenue marquise de Boufflers, écrivait ce quatrain :

De plaire un jour sans aimer j’eus l’envie ;
Je ne cherchais qu’un simple amusement.
L’amusement devint un sentiment ;
Ce sentiment, le bonheur de ma vie.

Elle aima le chevalier de tout son cœur et pour la vie. « Après dix ans de tendresse, elle lui écrivait : « Je t’aime follement, malgré la Parque qui file mes jours