9 Thermidor la sauva. Elle était jeune, elle était mère ; elle vécut ; elle se reprit aux choses. Le temps est comme un fleuve qui emporte tout. Veuve par la main du bourreau, elle considérait son veuvage comme sacré. Mais toutes les voix de la jeunesse chantaient plaintivement dans son cœur et parfois elle sentait avec amertume le vide de son âme.
En 1797 elle écrivait à sa mère :
Je voudrais trouver un bon mari, raisonnable, sensible, ayant les mêmes goûts que moi et apportant tous les sentiments dont se compose mon existence, un mari qui sente que, pour vivre heureux, il faut être auprès de toi et qui m’y conduisît, qui s’y trouvât heureux et aimât mon fils comme le sien, un mari doux d’opinions comme de caractère, philosophe, instruit, ne craignant pas l’adversité, qui la connaîtrait même, mais qui regarderait comme une compensation à ses maux d’avoir une compagne comme ta Delphine ; voilà l’être que je voudrais trouver et que je crains bien de ne rencontrer jamais.
Non, ce rêve d’un bonheur paisible ne devait jamais se réaliser. Delphine, de Custine était une tête vouée aux aquilons. Encore quelques années et ses destins seront fixés. Ce n’est pas un mari raisonnable et sensible qu’elle rencontrera, mais un maître impétueux et chagrin, et elle payera du repos de sa vie une joie d’une heure.
C’était en 1803. Elle avait trente-trois ans. Son teint de blonde était resté frais comme au temps où Boufflers