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Page:La Vie littéraire, II.djvu/194

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belle Gabrielle, possédait encore, disait-on, le lit de Henri IV.

C’est après un de ces séjours que Delphine lui écrivit ce billet :

 J’ai reçu votre lettre. J’ai été pénétrée, je vous laisse à
 penser de quels sentiments. Elle était digne du public de
 Fervacques, et cependant je me suis gardée d’en donner lecture.
 J’ai dû être surprise qu’au milieu de votre nombreuse
 énumération il n’y ait pas eu le plus petit mot pour la grotte
 et pour le petit cabinet orné de deux myrtes superbes. Il me
 semble que cela ne devait pas s’oublier si vite.

On sent qu’en écrivant ces lignes, la délicate créature était encore agitée d’un doux frémissement. Elle avait la mémoire du cœur et des sens, cette pauvre femme, condamnée dès ce moment à ne vivre que de souvenirs. Rien ne devait plus effacer dans son âme la grotte et les deux myrtes. Chateaubriand ne lui laissa même pas l’illusion du bonheur. Le 16 mars 1805, elle écrivait à Chênedollé son confident :

 Je ne suis pas heureuse, mais je suis un peu moins malheureuse.

Onze jours après, elle disait :

 Je suis plus folle que jamais ; je l’aime plus que jamais, et je
 suis plus malheureuse que je ne peux dire.