Page:La Vie littéraire, II.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sement pour chaque combat les témoignages des deux adversaires. Il a donné le premier les effectifs exacts des forces engagées de part et d’autre, ainsi que le nombre des soldats tués ou blessés. Ses récits de bataille sont nouveaux sur beaucoup de points. De plus ils sont clairs et animés : M. Henry Houssaye a le sens militaire. Il sait préciser les « moments » décisifs des actions et suivre les masses en mouvement ; il entre dans l’esprit du soldat. Mais il ne s’est pas borné à l’exposé des faits de guerre ; il a étudié la situation politique de la France et esquissé l’état de l’esprit public, et cette partie de son livre, tout à fait nouvelle, offre un grand intérêt. Jamais on n’avait peint avec une si âpre vérité les misères de la France dans cette année maudite : le blocus continental, les champs en friche, les fabriques fermées, l’arrêt complet des affaires et des travaux publics, la retenue de 25 pour 100 sur les traitements et les pensions non militaires, l’énorme augmentation des impôts, la rente tombée de 87 francs à 50 fr. 50 ; les actions de la Banque, cotées naguère 430 francs, valant 715 francs, le change sur les billets monté à 12 pour 1000 en argent, à 50 pour 1000 en or, le numéraire si rare, qu’on avait dû tolérer l’usure et suspendre jusqu’au 1er janvier 1815 la loi qui fixait l’intérêt à 5 et 6 pour 100.

Des colonnes mobiles fouillaient les bois à la recherche des réfractaires ; les garnisaires s’installaient au foyer de la mère de l’insoumis. Dans certaines contrées, c’étaient les femmes et les enfants qui labouraient. Bientôt le ministre de l’intérieur devait mettre à l’ordre du pays,