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PRÉFACE.

des auteurs. Chacun d’eux croit posséder à l’exclusion des autres tous les secrets du métier. Mais ceux qui font les chefs-d’œuvre ne savent pas ce qu’ils font ; leur état de bienfaiteurs est plein d’innocence. On aura beau me dire que les critiques ne doivent pas être innocents. Je m’efforcerai de garder comme un don céleste l’impression de mystère que me causent les sublimités de la poésie et de l’art. Le beau rôle est parfois d’être dupe. La vie enseigne qu’on n’est jamais heureux qu’au prix de quelque ignorance. Je vais faire un aveu qui paraîtra peut-être singulier à la première page d’un recueil de causeries sur la littérature. Tous les livres en général et même les plus admirables me paraissent infiniment moins précieux par ce qu’ils contiennent que par ce qu’y met celui qui les lit. Les meilleurs, à mon sens, sont ceux qui donnent le plus à penser, et les choses les plus diverses.

La grande bonté des œuvres des maîtres est d’inspirer de sages entretiens, des propos graves et familiers, des images flottantes comme des guirlandes rompues sans cesse et