Page:La Vie littéraire, II.djvu/250

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y demeura jusqu’à l’âge de trente-cinq ans ; après quoi, il s’enfonça dans les montagnes qui ferment, du côté de l’Orient, l’étroite vallée du Nil. Ayant rencontré un château en ruine que les Égyptiens avaient construit autrefois pour se défendre contre les incursions des nomades, il s’y établit dans une telle solitude, qu’il ne souffrait même pas la vue de ceux qui lui apportaient à manger. Il exigeait que son pain lui fût jeté par-dessus le toit. On pense bien que les diables le suivirent dans cette citadelle. Ils persistèrent à se conduire comme des rustres, croyant l’étonner par des bousculades et des vociférations.

Ils lui firent pourtant, un jour, une réflexion assez juste. « Ce château, lui dirent-ils, n’est pas à toi. » Mais Antoine ne fut pas sensible à cette remontrance. Il méprisait trop les biens de ce monde pour avoir, le sentiment exact de la propriété.

Les démons lui apparaissaient sous des figures de lions, de tigres, de bêtes affreuses qui menaçaient de le dévorer. Il ne les craignait point : Pourtant il souffrait souvent de cruelles blessures qu’il attribuait de bonne foi à la dent et aux griffes de ces démons. On peut supposer sans invraisemblance qu’il se blessait ainsi en tombant foudroyé par les accès de la terrible maladie que les médecins du vieil empire memphite nommaient la maladie divine et qu’on appelle aujourd’hui l’épilepsie. Mais, il, était payé largement de ses misères et de ses épouvantes.

Il avait des extases ; tout à coup, le comble de l’édifice s’ouvrait, une clarté céleste environnait le saint homme. « À cette