donne comme une ruche. Un maigre et vigoureux garçon enlève, du bout de sa fourche, la paille découronnée et mutilée, tandis que les grains de blé, versés dans une vanneuse à manivelle, abandonnent aux souffles de l’air les débris de leurs tuniques légères. Bêtes et gens agissent de concert avec la lenteur obstinée des âmes rustiques. Mais, derrière les gerbes, à l’ombre de la grange, des petits enfants, dont on ne voit que les yeux grands ouverts et les joues barbouillées, rient dans les chariots de foin. Ces femmes, ces hommes hâlés, le regard pâle, la bouche lourde, le corps appesanti, ne sont pas sans beauté. La franchise de leur costume rustique traduit avec exactitude tous les mouvements de leurs corps et ces mouvements, appris des aïeux depuis un temps immémorial, sont d’une simplicité solennelle. Leur visage, qui n’est empreint d’aucune pensée distincte, réfléchit seulement l’âme de la glèbe. On les dirait nés du sillon comme le blé qu’ils ont semé et dont ils mâchent le pain avec une lenteur respectueuse. Ils ont la beauté profonde qui vient de l’harmonie. Leur chair hâlée sous la poussière qui la couvre, cette poussière des champs qui ne souille pas, prend dans la lumière je ne sais quoi de fauve, d’ardent et de riche. L’or des gerbes les environne, une poussière blonde flotte autour d’eux, comme la gloire de cette antique Cérès éparse encore dans nos champs et dans nos granges.
Et voici que, laissant livres, plume et papiers, je regarde avec envie ces batteurs de blé, ces simples artisans de l’œuvre par excellence. Qu’est-ce que ma tâche à