Page:La Vie littéraire, II.djvu/283

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lyriques de 1820 à 1830 chantent tous le cantique d’un christianisme éthéré et pittoresque. Alfred de Vigny entrait mal dans le concert : il n’avait pas le sentiment néo-chrétien. Il n’était même pas spiritualiste. À la fin de sa vie il inclinait vers une sorte d’athéisme stoïque : on connaît le beau poème symbolique dans lequel il montre Jésus suant la sueur de sang sur le mont des Oliviers et appelant en vain son père céleste. Les nuées restent sourdes et le poète s’écrie :

  S’il est vrai qu’au jardin sacré des Écritures
  Le Fils de l’Homme ait dit ce qu’on voit rapporté,
  Muet, aveugle et sourd au cri des créatures,
  Si Dieu nous rejeta comme un monde avorté,
  Le sage opposera le dédain à l’absence
  Et ne répondra plus que par un froid silence
  Au silence éternel de la divinité.

On ne trouvera pas ces sombres vers des Destinées dans la nouvelle Anthologie. On y rencontrera, par compensation, cette Maison du berger qui, comme le dit si bien un poète, M. André Lemoyne, « est un des plus beaux poèmes d’amour de tous les âges » . C’est aussi l’expression d’une philosophie sombre et pathétique dont rien ne surpasse l’éloquence douloureuse :

 ……………………………………….
  Sur mon cœur déchiré viens poser ta main pure,
  Ne me laisse jamais seul avec la nature,
  Car je la connais trop pour n’en pas avoir peur.
  Elle me dit :………………………………
  Je roule avec dédain, sans voir et sans entendre,
  À côté des fourmis les populations ;
  Je ne distingue pas leur terrier de leur cendre,