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M. ALEXANDRE DUMAS FILS.

qu’elle est l’infini que nous rêvons tous, dans ce rêve d’une heure qui est la vie. Iza, nourrie par une mère infâme, est naturellement impudique, menteuse, ingrate et lascive. Pourtant elle aime Clémenceau, qui est robuste et beau. Mais elle le trahit, parce que trahir est sa fonction naturelle. Elle trompe l’homme qu’elle aime, pour des bijoux ou seulement pour le plaisir de tromper. Elle se donne à des gens célèbres qui fréquentent sa maison, et cela pour le plaisir d’avoir certaines idées, quand ces personnages sont réunis, le soir à la table dont elle fait gravement les honneurs avec son mari. Elle est comme les grands artistes qui ne se plaisent qu’aux difficultés : elle croise, complique, mêle ses mensonges ; elle ose tout, si bien que son mari est bientôt le seul homme à Paris qui ignore sa conduite. Il est désabusé, par hasard. Il la chasse. Mais il l’aime encore. Comment s’en étonner ? Ce n’est pas parce qu’elle est indigne qu’il l’aimerait moins.

L’amour ne se donne pas comme un prix de vertu. L’indignité d’une femme ne tue jamais le sentiment qu’on a pour elle ; au contraire, il le ranime parfois : l’auteur de la Visite de noces le sait bien. Ce malheureux Clémenceau s’enfuit jusqu’à Rome, où il se réfugie en plein idéal d’art. Il entame une copie du Moïse de Michel-Ange à même le bloc, avec une telle furie qu’on croirait qu’il veut lui-même se briser contre ce marbre qu’il taille. Il a voulu la fuir. Mais il l’attend, le misérable !

Il l’attend, les bras ouverts. Elle ne vient pas : elle reste à Paris, la maîtresse d’un prince royal en bonne