Page:La Vie littéraire, II.djvu/292

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tous les royaumes de la terre étaient représentés avec leurs rois, leur chevalerie, leurs villes et leurs campagnes. C’était l’ouvrage d’une fée. Tel que je me le représente sous mon chêne, le livre de M. Gaston Pâris ressemble beaucoup à cette toile merveilleuse. Mes mains en sentent à peine le poids et j’y vois les figures de tous ceux qui, dans la douce France, aux âges de chevalerie et de clergie, parlèrent de combats, d’amour et de sagesse. Ce que j’admire, c’est la netteté du tableau. Je vois distinctement la terre, revêtue, comme dit le chroniqueur Raoul Glaber, de la robe blanche des églises. Là s’agitent des hommes simples qui croient en Dieu et s’assurent en l’intercession de Notre-Dame. Les uns sont des clercs et leur vie, réglée comme la page d’un antiphonaire, s’exhale avec l’harmonieuse monotonie du plainchant. Quand ils tombent dans le péché, ce qui est l’effet de la malédiction d’Adam, ils restent pourtant fidèles à Dieu et ne désespèrent pas. Ils n’ont point de famille, ils écrivent en latin et disputent subtilement. Ce sont les pasteurs du troupeau des âmes. Les autres s’en vont en guerre ; il leur arrive parfois de piller des couvents et de mettre à mal les nonnes, qui sont les fiancées de Jésus-Christ. Mais ils seront sauvés par la vertu du sang divin qui coula sur la croix. Ils ont occis force Sarrasins et fait maigre exactement le vendredi, et ces bonnes œuvres leur seront comptées. Les vilains, qui labourent pour eux, sont des hommes puisqu’ils ont été baptisés. Ils peuvent endurer de grands maux sur cette terre, car ils auront part à la félicité éternelle.