Page:La Vie littéraire, II.djvu/304

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exécuté d’une façons originale. Il vaut donc bien qu’on en dise un mot. D’ailleurs, c’est un dictionnaire, et j’ai la folie de ces livres-là.

Baudelaire raconte qu’ayant, jeune et inconnu, demandé audience à Théophile Gautier, le maître, en l’accueillant, lui fit cette question :

— Lisez-vous des dictionnaires ?

Baudelaire répondit qu’il en lisait volontiers. Bien lui en prit, car Gautier qui avait dévoré les vocabulaires sans nombre des arts et des métiers, estimait indigne de vivre tout poète ou prosateur qui ne prend pas plaisir à lire les lexiques et les glossaires. Il aimait les mots et il en savait beaucoup. S’il fit compliment à Baudelaire, quelles louanges n’aurait-il pas décernées à notre ami M. José-Maria de Hérédia, l’excellent poète, qui déclare hautement qu’à son sens la lecture du dictionnaire de Jean Nicot procure plus d’agrément, de plaisir et d’émotion que celle de Trois mousquetaires ! Voilà ce que c’est qu’une imagination d’artiste ! Selon le cœur de M. José-Maria de Hérédia, la table alphabétique des pierres précieuses ou le catalogue du musée d’artillerie est le plus émouvant des romans d’aventures. Pour moi, qui y mets moins de finesse et qui ne trouve point d’ordinaire aux mots plus de sens que l’usage ne leur en donne, je me suis bien souvent surpris à faire l’école buissonnière dans quelque grand dictionnaire touffu comme une forêt, Furetière par exemple, ou le Trévoux ou bien encore notre bon Littré, si confus, mais si riche en exemples. Ah ! c’est que les mots sont des images, c’est qu’un