Page:La Vie littéraire, II.djvu/35

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puis vous dire que je n’ai jamais entendu la treizième strophe sans me sentir secoué d’un frisson religieux. Elle dit, cette strophe :

Qui Mariam absolvisti
Et latronem exaudisti,
Mihi quoque spem dedisti.

« Toi, qui as absous la pécheresse et pardonné au larron, à moi aussi tu as donné l’espérance. »

Le chantre qui lance ces paroles latines dans le vaisseau de l’église est ici la voix de l’assemblée entière. Tous les assistants, ces purs, ces grands, ces superbes, doivent répéter intérieurement « Toi, qui as absous la pécheresse et pardonné au larron, à moi aussi tu as donné l’espérance. » Voilà ce que veut l’Église, qui a condamné le vol et fait du mariage un sacrement. Elle humilie, dans sa sagesse, les vertus de ces heureux qu’on appelle les justes, et elle rappelle aux meilleurs d’entre nous que, loin de pouvoir s’ériger en juges, ils doivent eux-mêmes implorer leur pardon. Cette morale chrétienne me semble infiniment douce et infiniment sage. Elle ne prévaudra jamais tout à fait contre les violences de l’âme et l’orgueil de la chair ; mais elle répandra parfois sur nos cœurs fatigués sa paix divine et elle nous enseignera à pardonner, avec toutes les autres offenses, les trahisons qui nous ont été faites par celles que nous avons trop aimées.