Page:La Vie littéraire, II.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de certaines incantations, tout devait avoir été

 métamorphosé. Si je rencontrais une pierre, mon imagination y
 reconnaissait un homme pétrifié ; si j’entendais des oiseaux,
 c’étaient des hommes couverts de plumes ; des arbres du
 boulevard, c’étaient des hommes chargés de feuilles ; les
 fontaines, en coulant, s’échappaient de quelque corps humain. Je
 croyais que les portraits et les statues allaient marcher, les
 murailles parler, les bœufs annoncer l’avenir.

Après cela, étonnez-vous qu’il soit changé en âne ? Saint Augustin y croyait plus qu’à demi.

« Nous aussi, dit-il, dans la Cité de Dieu, nous aussi, quand nous étions en Italie, nous entendions des récits de ce genre sur certain endroit de la contrée. On racontait que des cabaretières expertes en ces maléfices servaient parfois aux voyageurs, dans le fromage, des ingrédients qui les changeaient aussitôt en bêtes de somme. On faisait porter des fardeaux à ces malheureux, et, après un pénible service, ils reprenaient leur forme. Dans l’intervalle, leur âme n’était pas devenue celle d’une bête, ils avaient conservé la raison de l’homme. Apulée, dans l’ouvrage qu’il a intitulé l’Âne d’or, rapporte que cette aventure lui est arrivée ; par la vertu de certaine drogue, il fut changé en âne, tout en gardant son esprit d’homme. On ne sait si l’auteur consigne là un fait réel ou un conte de sa façon. »

Certes, Apulée fait un conte, un conte imité du grec et ce n’est pas même lui qui a inventé ce Lucius et sa métamorphose, mais il y a mis le grain d’ellébore.