et donne à la mémoire d’un si grand homme moins des louanges que des prières. Tanti viri memoriam precibus potius quam elogiis prosequere. » Au sortir de cette vieille maison de pierre où les noms de Pascal et de Racine sont inscrits sous les ailes des jolis anges de Jean Goujon, en rentrant dans le monde des vivants, sous la pluie et la tempête, je me remis à songer aux choses de ce temps-ci, aux idées du jour, aux livres nouveaux, au Divorce de Juliette, dont l’éditeur venait de m’envoyer un exemplaire. Et ma pensée, allant du livre à l’auteur, je me représentai cette vie exemplaire si bien cachée, si bien défendue ; que trahirent seuls les livres exquis qui en étaient les fruits. Je me figurais M. Octave Feuillet paisible, heureux sur son petit rocher de Saint-Lô, à l’ombre de sa vieille église aux dentelles de pierres noires, dans ces rues montueuses où l’on entend les foudriers cercler les fûts dans lesquels se fera le cidre des récoltes prochaines et où volent au soleil de lourdes abeilles qui laissent derrière elles l’odeur du sarrasin. Je le vois encore descendant le chemin poudreux qui mène à la rivière où se baignent les saules, et là rêvant de quelques-unes de ces figures audacieuses, perverses, charmantes et sitôt brisées, qui sont les préférées de son imagination.
Il vit là, caché fidèlement, auteur obscur de livres célèbres. Il fait de sa vie de famille une œuvre consciencieuse et fine comme ses romans. Il ne voudrait jamais quitter les bords de la Vire, où chantait aux jours de deuil ce bon Basselin que les Anglais mirent à mort