Page:La Vie littéraire, II.djvu/55

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M. de Maupassant se montre également pénétré de la vérité de ces deux idées. Selon lui, il n’existe aucune règle pour produire une œuvre originale, mais il existe des règles pour la juger. Et ces règles sont stables et nécessaires. « Le critique, dit-il, ne doit apprécier le résultat que suivant la nature de l’effort. » Le critique doit « rechercher tout ce qui ressemble le moins aux romans déjà faits ». Il doit n’avoir aucune « idée d’école » ; il ne doit pas « se préoccuper des tendances », et pourtant il doit « comprendre, distinguer et expliquer toutes les tendances les plus opposées, les tempéraments les plus contraires ». Il doit… Mais que ne doit-il pas !… Je vous dis que c’est un esclave. Ce peut être un esclave patient et stoïque, comme Épictète, mais ce ne sera jamais un libre citoyen de la république des lettres. Encore ai-je grand tort de dire que, s’il est docile et bon, il s’élèvera jusqu’à la destinée de cet Épictète qui « vécut pauvre et infirme, et cher aux dieux immortels ». Car ce sage gardait dans l’esclavage le plus cher des trésors, la liberté intérieure. Et c’est précisément ce que M. de Maupassant ravit aux critiques. Il leur enlève le « sentiment » même. Ils devront tout comprendre ; mais il leur est absolument interdit de rien sentir. Ils ne connaîtront plus les troubles de la chair ni les émotions du cœur. Ils mèneront sans désirs une vie plus triste que la mort. L’idée du devoir est parfois effrayante. Elle nous trouble sans cesse par les difficultés, les obscurités et les contradictions qu’elle apporte avec elle. J’en ai fait l’expérience dans les conjonctures les plus diverses. Mais