Page:La Vie littéraire, II.djvu/57

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les moins précis qui soient au monde. Aussi n’obtiendrons-nous jamais de résultats certains, et notre critique ne s’élèvera-t-elle jamais à la rigoureuse majesté de la science. Elle flottera toujours dans l’incertitude. Ses lois ne seront point fixes, ses jugements ne seront point irrévocables. Bien différente de la justice, elle fera peu de mal et peu de bien, si toutefois c’est faire peu de bien que d’amuser un moment les âmes délicates et curieuses.

Laissez la donc libre, puisqu’elle est innocente. Elle a quelque droit, ce semble, aux franchises que vous lui refusez si fièrement, quand vous les accordez avec une juste libéralité aux œuvres dites, originales. N’est-elle point fille de l’imagination comme elles ? N’est-elle pas, à sa manière, une œuvre d’art ? J’en parle avec un absolu désintéressement, étant, par nature, fort détaché des choses et disposé à me demander chaque soir, avec l’Ecclésiaste : « Quel fruit revient à l’homme de tout l’ouvrage ? » D’ailleurs, je ne fais guère de critique à proprement parler. C’est là une raison pour demeurer équitable. Et peut-être en ai-je encore de meilleures.

Eh bien, sans me faire la moindre illusion, vous le voyez, sur la vérité absolue des opinions qu’elle exprime, je tiens la critique pour la marque la plus certaine par laquelle se distinguent les âges vraiment intellectuels ; je la tiens pour le signe honorable d’une société docte, tolérante et polie. Je la tiens, pour un des plus nobles rameaux dont se décore, dans l’arrière-saison, l’arbre chenu des lettres.

Maintenant,