Page:La Vie littéraire, II.djvu/84

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le voulait pas, personne ne pourrait l’y contraindre M. Darlu refusa de rien entendre. Ce soir-là, je m’en allai fort perplexe. M. Georges Ohnet ne m’a pas tiré d’incertitude. Non content d’affirmer, sans preuves, que la volonté est libre, M. Georges Ohnet avance qu’elle est souveraine. C’est aller trop loin et rendre à Locke l’avantage qu’il avait perdu. Car enfin, il est clair que j’aurais beau vouloir, comme M. Ohnet, pousser mes ouvrages à soixante treize éditions, je ne le pourrais point. Comme philosophe, M. Georges Ohnet ne me satisfait pas.

Sous ce jour, je le trouve faible. Je voudrais n’avoir pas à l’apprécier à un autre point de vue, et je meurs d’envie de vous dire incontinent quelque belle chanson du temps que Berthe filait. Mais puisque enfin M. Ohnet fait des romans, il est équitable et nécessaire de le traiter en romancier. C’est ce à quoi je vais donc procéder avec tous les ménagements dont je suis capable. J’ai l’esprit indulgent et modéré. Ceux qui me lisent savent que ma critique est bienveillante et que je me fais un agréable devoir d’exprimer toujours l’opinion la plus large sous la forme la plus douce. Eh bien, puisqu’il me faut juger M. Ohnet comme auteur de romans, je dirai, dans la paix de mon âme et dans la sérénité de ma conscience, qu’il est, au point de vue de l’art, bien au-dessous du pire.

J’ai eu l’honneur d’être présenté l’hiver dernier à M. Georges Ohnet, et je me suis convaincu, comme tous ceux qui l’ont approché, que c’est un très galant homme.