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ESSAI SUR L’HISTOIRE

PREMIERE ÉPOQUE. — ORIGINES.

Il y a longtemps qu’un des philosophes les plus illustres du xviie siècle a proposé à l’examen de l’Europe savante, le sujet qui va nous occuper dans ces prolégomènes. « Pour se faire une idée exacte, disait Leibnitz, des anciens dialectes de la Gaule et de l’île de Bretagne, il faut étudier les langues bretonne, galloise, écossaise et irlandaise qui en sont des débris. » D’où vient que cette importante question n’a pas encore été traitée comme Leibnitz le demandait, et comme elle le mérite ? Sans doute, de ce que les principes de critique qui servent à l’étude comparée des langues, n’avaient pas encore été solidement et scientifiquement établis. Grâce à ces principes désormais fondés par les admirables travaux de MM. Grimm, Bopp, de Humbold, et surtout de notre compatriote M. Eugène Burnouf, nous pouvons explorer moins aventureusement le ténébreux domaine des idiomes vulgairement appelés celtiques.

Nous aurons à les examiner sous le double rapport du vocabulaire et de la grammaire.

À défaut de textes antérieurs à l’ère chrétienne, nous avons d’abord les mots cités comme celtiques par les anciens, ensuite les vieux noms de lieux, de peuples et de personnes de la Gaule et de l’île de Bretagne, qu’on peut regarder comme une suite de monuments historiques qui parlent d’eux-mêmes ; enfin, les dictionnaires et grammaires des Bretons-armoricains et gallois, d’une part ; de l’autre, ceux des Gaëls d’Irlande et de la Haute-Écosse. Or, les locutions gauloises données par les écrivains de l’antiquité, ainsi que plusieurs des dénominations primitives de la Gaule et de l’île de Bretagne, s’expliquent par les dialectes celtiques de cette île et du continent, et, en rapprochant et comparant les vocabulaires actuels de notre Bretagne française, du pays de Galles, de l’Écosse et de l’Irlande, on voit qu’ils offrent une telle multitude de mots semblables exprimant la même idée, qu’on pourrait, à l’aide des dictionnaires bretons et gaëls composer un vocabulaire dont chaque expression appartiendrait à chacun des idiomes celtiques en particulier et à tous en général[1]. Quant à leurs grammaires, elles présentent les mêmes caractères fondamentaux, et il ne serait pas difficile assurément d’en écrire une commune à toutes les branches de la famille celtique[2]. C’est ce qu’il s’agit de prouver.

Procédant naturellement du connu à l’inconnu, je dois examiner d’abord les mots gaulois cités et traduits par les écrivains de l’antiquité. La liste est longue, j’en ai compté sept cents qui se retrouvent dans les quatre dialectes celtiques modernes. Ils montrent jusqu’à l’évidence que l’ancienne lexicographie des peuples celtes, du moins pour les termes usuels, ne différait pas essentiellement de leur lexicographie actuelle.

  1. Je me suis particulièrement appuyé, dans cet Essai, pour le Breton-armoricain, sur les dictionnaires de Le Gonidec toujours, de dom Le Pelletier quelquefois pour le breton-gallois, ceux de Owen et de Davies ; pour le gaël-irlandais et pour le gaël-écossais, d’O’brien, d’Amstrong et surtout l’Highland Society.
  2. Les grammaires Bretonnes de Le Gonidec et de ses élèves, galloise de Davies et d’Owen, gaële-irlandaise d’O’brien et gaële-écossaise de l’Highland society, sont les principaux guides que j’ai suivis et les meilleurs.