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SUR LE GONIDEC.

et populaire dont ils recueillent les fruits, le pressaient de se mettre à leur tête. Mais de Brest on le surveillait ; une visite domiciliaire fit découvrir des armes placées par ses ennemis sous son lit ; de là son arrestation, un long et cruel emprisonnement à Carhaix, puis sa marche au supplice.

L’aventureux jeune homme semble avoir retrouvé dans l’exil le Génie bienfaisant qui le secourut au pied de l’échafaud. Dénué de toute ressource, il débarquait à Pen-Zanz, dans l’autre Bretagne, quand, au sortir du vaisseau, il est abordé par un domestique qui lui demande si son nom n’est pas Le Gonidec. Sur sa réponse affirmative, le domestique reprend qu’il a l’ordre de lady N…, sa maîtresse, de prier l’étranger de descendre chez elle. Ce fait s’explique ainsi : Le Gonidec avait un parent de son nom recommandé par lettre à lady N…, et qu’on attendait d’Amérique ; depuis plusieurs jours le domestique guettait sur le port l’arrivée des bâtiments : la ressemblance de nom amena cette méprise, dont la généreuse lady remercia le hasard. Elle garda son hôte pendant près d’une année.

Faute de renseignements, il serait malaisé de suivre Le Gonidec, depuis la fin de 1794, où il rentra en Bretagne, jusqu’au commencement du dix-neuvième siècle. Une note de sa main prouve seulement qu’il prit une part active aux guerres civiles du Môr-bihan et des Côtes-du-Nord ; qu’il y reçut deux graves blessures, l’une à la jambe, l’autre à la poitrine ; et que, promu dans les armées royales au grade de lieutenant-colonel, il fit un second voyage dans la Grande-Bretagne, d’où le ramena la fameuse expédition de Quiberon. Depuis lors, errant pendant plusieurs années de commune en commune, il profita enfin de l’amnistie du 18 brumaire, et déposa les armes à Brest, le 9 novembre 1800.

Ici commence véritablement la vie de Le Gonidec, celle-là du moins qui conservera son nom ; « Unius œtalis sunt res quœ fortiter fiunt, quœ verô pro patriâ scribuntur œternœ sunt. » Cet épitaphe des Origines gauloises de notre Malo-Corret (La-Tour-d’Auvergne) pourrait être plus justement celle des œuvres de Le Gonidec. À vrai dire, son génie propre n’était pas dans l’action ou l’avaient fatalement jeté les troubles de son temps. Et, chose bizarre, cependant, la suite de ces événements entraîna par leurs combinaisons sa vocation scientifique. Forcé de se cacher et de vivre sons l’habit des paysans, il se mit à apprendre parmi eux d’une manière raisonnée la langue celto-bretonne, qu’il avait parlée sans étude dans son enfance. De ce jour, l’ardeur de la science ne le quitta plus. Elle le suivit dans les places importantes d’administration qu’il occupa sous l’empire et dans le modeste emploi où nous l’avons connu pendant sa vieillesse.

Il paraîtrait qu’un compatriote chez lequel notre grammairien reçut une longue hospitalité ne fut pas sans quelque influence sur son esprit. Amoureux des recherches archéologiques, le vieux maître de Ker-Véatou y associa volontiers Le Gonidec. Si ce dernier fut vite d’un grand secours pour son hôte, il n’importe : on doit saluer en passant ces éveilleurs d’idées.

Voiciqu’un autre ami sera le iiouveau mohUe de ce caractère, naturellement fort et opiniâtre, mais, comme chez tout Breton, timide à entreprendre et combattu d’incertitudes.

C’était l’heure où tout se réorganisait sous les mains du premier consul. Chacun, dans les partis détruits ou rapprochés, s’occupait de son avenir : Le Gonidec y devait songer. Or, le baron Sané, son oncle, l’un des hauts administrateurs de la marine, lui pouvait être d’un grand secours. Telles furent les observations d’un intime ami[1] de Le Gonidec, lequel, partant pour la capitale, le décida à l’y accompa-

  1. M. de Rodellec du Porzic, à qui sont dus ces détails.