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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

si vaste, malgré sa petitesse, si vaste que jamais nous ne pourrons tout voir. Ah ! nous oublierons bien des choses, mais tu te souviendras, dis !

Viens, la pièce d’eau m’attire. Je veux encore vous voir, petits poissons rouges qui jouez sous les roseaux ; je veux vous admirer, nénuphars immobiles ! Vois, les nuages se reflètent dans l’eau calme, ils courent et c’est si profond, que si l’on tombait, il semblerait qu’on va s’abîmer au fond du ciel, là dans l’eau.

Pauvre jardin, adieu. Adieu, abeilles, adieu, roses, adieu, tulipes, adieu ! adieu !

Oui, adieu, tout ce que j’aime, tout ce qui remplissait ma vie. Vous, champs, doucement inclinés vers la rivière, adieu ! Toi, forêt frémissante et hospitalière aux frondaisons robustes, adieu ! Vous, prairie où la luzerne cache le nid de l’alouette, adieu !

Adieu, enfin, horizon vaste et connu, coteaux lointains, rivière folle, bruyères, rochers, arbres, adieu. Vous reverrai-je jamais ?

Et pourtant, de vous quitter, je n’ai point l’âme triste. Au contraire, il me semble que je ne pars que pour un temps très court, pour