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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

dame, la fille d’un pasteur, et c’est la première fois qu’on me manque de respect.

Mes sanglots redoublèrent. Alors la duchesse se fit plus tendre, plus maternelle.

— Je vous prends sous ma protection, mon enfant ; personne, entendez-vous, personne ne vous insultera plus, sous mon toit.

Pauvre petite duchesse, comme elle était bonne !

Depuis cette scène, en effet, le grand-duc s’est abstenu de me parler. Bien plus, il a semblé m’ignorer complètement. J’aime mieux ça.

Moi, d’ailleurs, je ne fais plus attention à lui. Sa gloutonnerie, sa répugnante saleté même ne m’affectent plus. On s’habitue à tout.

De temps en temps, lorsque son wodka l’excite trop, il bat les valets de service et il casse des assiettes ; les valets hurlent et se sauvent ; les assiettes et les éclats de verre jonchent le tapis. Alors, soulagé, l’ogre avale un dernier verre de kummel et s’en va en faisant sonner ses éperons. Habituée à ces brutalités, la duchesse demeure impassible ; seuls les enfants ont peur et ils se serrent contre moi.