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loger son Évêque et le loger convenablement, et même magnifiquement si c’est exigé. On ne songeait pas, en 1852, à aller dire à soixante paroisses qui ont déjà assez de peine à se suffire à elles-mêmes, (pour ne pas parler des paroisses riches.) « Veuillez donc nous aider à loger l’Évêque. » C’est par l’Évêque que cette demande leur est faite aujourd’hui, et cela pourquoi ? Parce qu’il s’est aliéné l’opinion de la ville en maltraitant, par un choix erroné de localité, la population qui est encore prête à le seconder, s’il veut revenir à la raison et à une plus saine appréciation des choses.

S’il ne veut rien entendre ; s’il démontre à la population qu’il n’agit que par cet aveugle sentiment d’opiniâtreté qui veut que tout, vérité, justice, à propos, bon sens, devoir chez soi, droit chez les autres, considérations de toutes sortes, religieuses, nationales et sociales, recule devant son ipse dixit et cède devant un désir illégitime et une erreur évidente, qu’il en prenne la responsabilité, mais qu’il ne soit pas surpris non plus s’il reste isolé et s’il subit un dernier désappointement.

Ce n’est pas le troupeau, ici qui s’isole du pasteur, c’est le Pasteur qui s’isole du troupeau qu’il abandonne pour s’aller perdre dans un centre protestant.


XIX.


Nous pourrions présenter nombre d’autres considérations importantes dans la question, mais nous croyons en avoir dit assez pour convaincre ceux qui n’apportent aucun parti-pris dans ce projet que ce serait un malheur s’il se réalisait sous sa forme actuelle. Là dessus il semble n’y avoir aucune divergence d’opinion. Mgr  de Montréal est le seul homme qui soit déterminé coûte que coûte à bâtir sur le terrain de l’Ouest. Mais il ne le peut toujours que si les citoyens de la ville souscrivent les sommes nécessaires. Ce que l’on obtiendra des paroisses de la campagne sera nécessairement peu de chose en regard de l’importance de l’entreprise. On leur demande sans doute beaucoup, mais si les fabriques riches peuvent donner, les deux tiers des paroisses auront la sagesse de pourvoir de préférence à leurs besoins pressants plutôt que de verser leur nécessaire pour suppléer à ce que la ville ne veut pas faire. Les citoyens de Montréal ont donc la chose entre leurs mains. Convaincus qu’ils sont que l’Évêque commet une véritable injustice envers la population canadienne en plaçant sa cathédrale hors de la portée du plus grand nombre, il leur suffit clairement de refuser leurs contributions pour amener l’Évêque à une plus saine et plus juste appréciation de la situation.

Mais qu’il nous soit permis en terminant de dire que nous avons peine à nous expliquer l’attitude du Clergé sur la question actuelle. Qu’une grande majorité de ses membres regrettent sincèrement de voir l’Évêque tomber dans le terrible faux-pas d’aller s’établir définitivement dans la partie essentiellement protestante de la ville, voilà ce que les faits et les conversations de tous les jours démontrent.

Mais alors, si le Clergé voit du même œil que les citoyens l’erreur de l’Évêque, comment se fait-il qu’il ne fasse aucun effort pour arrêter celui-ci avant que l’erreur ne devienne irréparable ?

Il s’agit ici d’une affaire de la plus haute gravité, affectant au moins autant les intérêts temporels que les intérêts religieux. Il s’agit d’une question qui affecte gravement l’avenir de la population canadienne dans Montréal. Il s’agit enfin pour celle-ci d’une cause de progrès local et de cohésion nationale que l’Évêque lui fait perdre. Il est bien évident qu’il ne s’écoulera pas dix ans avant que la preuve irrésistible de l’étendue de la faute qui se commet maintenant ne soit devant tous les yeux. Il est bien plus facile d’empêcher une faute de se commettre que de la réparer une fois commise. Sur qui retombera la responsabilité de la faute actuelle ? Sur l’Évêque nécessairement, mais le Clergé n’en restera-t-il pas forcément un peu solidaire ? D’ailleurs sera-t-il bien agréable pour lui d’entendre dire pendant deux générations que sans l’obstination de l’Évêque on n’aurait pas aussi mal appliqué quant au site une somme d’un million de piastres ? Car qu’on ne s’y trompe pas, et nous défions la dénégation d’hommes compétents à juger d’une pareille entreprise, il ne s’agit pas de cent, ni de trois cent mille piastres, il s’agit au moins d’un million, et probablement d’un million et demi de piastres. Que ceux qui en doutent aillent voir le modèle qui va servir de règle aux architectes.