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II.


Le fait dominant de la question nous paraît être celui-ci : Sa Grandeur vient dire au Diocèse, après mûre considération :

« J’ai décidé telle chose devant le Seigneur. À vous maintenant, ouailles et troupeau, de me fournir l’argent dont j’ai besoin. Que ma décision vous convienne ou non, il ne vous reste que l’acquiescement à ce que j’ai résolu. Et pour prévenir toute observation que l’on pourrait être tenté de me faire sur la justesse des décisions que j’ai prises, je commence immédiatement les travaux, me préoccupant fort peu que le site choisi par moi convienne ou non à la majorité des intéressés. »

Sa Grandeur vient donc nous dire très vertement au fond, quoiqu’avec des ménagements infinis de forme : « J’ai résolu, payez !! »

C’est son droit nous diront certains membres du troupeau. Cela se peut. Mais c’est aussi le droit incontestable de ceux que l’on ne veut jamais consulter sur quoique ce soit, même quand on a besoin d’eux, de refuser leur adhésion et surtout leur argent, quand ils voient que des fautes graves se commettent à leur détriment précisément parce que l’on veut toujours tout décider en secret, ne jamais consulter personne et toujours dominer l’esprit au lieu de s’attacher le cœur.

Nous croyons donc devoir aujourd’hui soumettre au public certaines considérations que la construction d’une cathédrale soulève forcément et auxquelles les citoyens de Montréal ne nous paraissent pas assez songer.

On va crier à l’esprit d’opposition et d’insubordination, mais cela nous importe infiniment peu. Nous venons tranquillement protester contre cette malheureuse habitude de décider in petto de toutes choses et d’en commander arbitrairement l’exécution, qui distingue l’autorité diocésaine actuelle. S’il y a aujourd’hui des symptômes graves d’indifférence, d’éloignement ou même de résistance, cela vient uniquement de ce que la tactique de la domination morale a pris beaucoup trop de développement dans ces derniers temps.

Nous venons d’ailleurs parler à ceux qui peuvent apercevoir les conséquences d’une faute ; parler aux gens indépendants et sensés, et non pas à ceux qui vont chaque matin prendre leur mot d’ordre afin d’être bien préparés, sur un signe auguste, à dire le contraire de ce qu’ils pensent.


III.


Sa Grandeur nous rappelle, dans sa circulaire, que l’Évêque est sans cathédrale depuis dix-huit ans ; que sa construction « s’est fait bien longtemps attendre, » et qu’enfin, « après bien des années d’attente et de silence, » Elle se décide à mettre la main à l’œuvre.

De nombreuses églises, dit-Elle, et de jolies chapelles, se sont construites, mais non une cathédrale ; de nombreux couvents se sont élevés, mais non une cathédrale ; de vastes hôpitaux ont surgi, mais non une cathédrale ; de nombreux temples protestants ont été érigés, mais non une cathédrale. Sa Grandeur ne veut pas descendre dans la tombe sans reconstruire sa cathédrale, car il ne serait pas juste qu’Elle laissât à son successeur la charge de réparer le grave malheur de 1852. »

Voilà bien des assertions ; mais avec tout le respect que nous devons à Sa Grandeur, nous sommes tenus de dire en toute franchise, pour lui emprunter une expression dont Elle se sert, qu’aucune de ces assertions n’affecte le moins du monde la question fondamentale du site qui a été si malheureusement choisi.

Sans doute de vastes collèges et hôpitaux se sont construits, mais ils l’ont été par les riches communautés auxquelles ils appartiennent. Sans doute des églises et chapelles ont été bâties, mais elles l’ont été par le Séminaire, que sa charte, telle que reçue des rois de France, y obligeait ; et qui de plus a agi sous une pression constante de l’Évêque pour le voir ensuite aller intriguer à Rome dans le but de se faire donner l’administration et la jouissance de ces églises. Sans doute de nombreux temples protestants se sont érigés, et Sa Grandeur en sait quelque chose puisque son palais épis-