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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/114

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CCIV

Les païens d’Arabie sortent de leurs vaisseaux,
Puis ils montent sur leurs chevaux et sur leurs mulets,
Et chevauchent.
— Que peuvent-ils faire de plus ?
L’Émir, qui les a tous mis en branle,
Appelle Gémalfin, un sien ami :
« Je t’ordonne de conduire toute mon armée. »
Puis Balisant monte sur un destrier brun ;
Il emmène avec lui quatre ducs
Et chevauche, sans s’arrêter, jusqu’à Saragosse.
Il met pied à terre sur un perron de marbre,
Et quatre comtes lut tiennent l’étrier.
Il gravit l’escalier qui mène au palais.
Et Bramimonde accourt au-devant de lui.
Elle lui dit : « Misérable ! Malheureuse que je suis !
J’ai eu la honte de perdre mon seigneur. »
Elle tombe aux pieds de Baligant, qui la relève,
Et tous deux, en grande douleur, entrent dans la chambre d’en haut.


CCV

Le Roi Marsile, quand il voit Baligant,
Appelle deux Sarrasins espagnols :
« Prenez-moi dans vos bras, mettez-moi sur mon séant. »
Du poing gauche, il prend un de ses gants,
Et dit : « Seigneur Émir,
Je vous donne toutes mes terres sans réserve.
Et Saragosse et le domaine qui en dépend.
Je me suis perdu, et tout mon peuple avec moi. »
L’Émir répond : « Ma douleur en est d’autant plus grande
Mais je ne puis m’entretenir avec vous davantage ;
Car Charles, je le sais bien, ne m’attendra pas.
Cependant j’accepte votre gant. »
À cause de son deuil, il s’en va tout en larmes,
Il descend les degrés du palais,
Monte à cheval, pique vers son armée,