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Page:La chanson de Roland - traduction 1911.djvu/32

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XXXVI

Les principaux des Sarrasins ont tant prié Marsile
Qu’il s’est enfin rassis sur son trône.
Le Kalife lui dit : « Vous vous mettiez dans un mauvais cas
En voulant frapper le Français.
Vous auriez dû l’écouter et l’entendre.
— Sire, dit Ganelon, je consens à souffrir cet affront,
Mais je ne voudrais pas, pour tout l’or que Dieu fit,
Ni pour toutes les richesses de ce pays,
Ne pas dire, si l’on m’en laisse le loisir.
Ce que Charlemagne, le Roi tout-puissant,
Mande par ma bouche à son ennemi mortel. »
Ganelon est vêtu d’un manteau de zibeline
Recouvert de soie d’Alexandrie.
Il le jette à terre et Blancandrin le reçoit.
Mais il ne veut pas se dessaisir de son épée,
Il la tient de la main droite, par le pommeau d’or.
Les païens disent ; « Voilà un noble baron ! »


XXXVII

Ganelon s’est approché du Roi
Et lui a dit : « Vous vous courroucez à tort,
Car Charles, le maître de la France, vous mande
De recevoir la foi chrétienne.
Il veut vous donner en fief la moitié de l’Espagne.
L’autre moitié, c’est son neveu Roland qui l’aura,
Et ce sera pour vous un orgueilleux voisin.
Si vous ne voulez consentir à cet accord.
Il viendra vous assiéger dans Saragosse.
Vous serez pris de force et ligoté ;
Vous serez mené à Aix, capitale de l’Empire.
Vous n’aurez ni palefroi, ni destrier.
Ni mule, ni mulet pour pouvoir chevaucher,
Mais on vous jettera sur un méchant cheval de somme
Et vous serez par jugement condamné à perdre la tête.