Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/104

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CHANSON À MANGER


 
        Quand j’ai bien faim et que je mange
        Et que j’ai bien de quoi choisir,
        Je ressens autant de plaisir
        Qu’à gratter ce qui me démange.
        Cher ami, tu m’y fais songer :
        Chacun fait des chansons à boire,
Et moi, qui n’ai plus rien de bon que la mâchoire
        Je n’en veux faire qu’à manger.

        Quand on se gorge d’un potage
        Succulent comme un consommé,
        Si notre corps en est charmé,
        Notre âme l’est bien davantage.
        Aussi Satan, le faux glouton,
        Pour tenter la femme première,
N’alla pas lui montrer du vin ou de la bière,
        Mais de quoi branler le menton.

        Quatre fois l’homme de courage
        En un jour peut manger son saoul ;
        Le trop boire peut faire un fou
        De la personne la plus sage.
        A-t-on vuidé mille tonneaux ?
        On n’a bu que la même chose ;
Au lieu qu’en un repas on peut doubler la dose
        De mille différents morceaux.

Scarron.