Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/106

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHANSON POUR MADAME D’HERVART

1687
Sur l’air des Folies d’Espagne.


On languit, on meurt près de Sylvie :
C’est un sort dont les rois sont jaloux,
Si les dieux pouvaient perdre la vie,
Dans vos fers ils mourraient comme nous.
 
Soupirant pour un si doux martyre,
A Vénus ils ne font plus la cour ;
Et Sylvie accroîtra son empire
Des autels de la mère d’Amour.

Le printemps parait moins jeune qu’elle ;
D’un beau jour la naissance rit moins :
Tous les yeux disent qu’elle est plus belle,
Tous les cœurs en servent de témoins.

Ses refus sont si remplis de charmes,
Que l’on croit recevoir des faveurs :
La douceur est celle de ses armes
Qui se rend la plus fatale aux cœeurs.

Tous les jours entrent à mon service
Mille Amours, suivis d’autant d’amants :
Chacun d’eux, content de son supplice,
Avec soin lui cache ses tourments.

Sa présence embellit nos bocages ;
Leurs ruisseaux sont enflés par mes pleurs
Trop heureux d’arroser des ombrages
Où ses pas ont fait naître des fleurs.

L’autre jour, assis sur l’herbe tendre,
Je chantais son beau nom dans ces lieux ;
Les zéphyrs, accourant pour l’entendre,
Le portaient aux oreilles des dieux.