Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/169

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J’AIME BEAUCOUP MON CABINET

Air du Prévôt des marchands.


J’aime beaucoup mon cabinet ;
Je passe en ce réduit secret
Plus de la moitié de ma vie.
Mais ne crois pas, pauvre idiot,
Que là je lise et j’étudie,
Non, non, je ne suis pas si sot.

Ce n’est Descartes, ni Newton,
Ni Virgile, ni Cicéron ;
Ce n’est Socrate ni Sénèque,
Ni Platon surnommé divin,
Qui forment ma bibliothèque,
Mais force liqueur et bon vin.

Thémire, dont je suis la loi,
Vient philosopher avec moi ;
Le spectacle de la nature,
Que tour à tour nous nous prêtons,
Y fait notre unique lecture,
Nuit et jour nous le feuilletons.

Entre nous deux jamais d’Ergo,
Ni de sophisme en Baroco.
Nous laissons ces vaines sciences,
Et nous tirons tout simplement
Nos preuves et nos conséquences
Du fond même du sentiment.

Sans alambiquer des secrets
Métaphysiques, trop abstraits,
C’est en consultant la nature
Que nous allons à son Auteur,
Et dans la belle créature
Nous admirons le Créateur.

Lattaignant.