LE VIEUX VAGABOND
Air : Guide mes pas, ô Providence ! (Des Deux Journées.)
Dans ce fossé cessons de vivre ;
Je finis vieux, infirme et las.
Les passants vont dire : Il est ivre.
Tant mieux ! Ils ne me plaindront pas.
J’en vois qui détournent la tête :
D’autres me jettent quelques sous.
Courez vite ; allez à la fête.
Vieux vagabond, je puis mourir sans vous.
Oui, je meurs ici de vieillesse,
Parce qu’on ne meurt pas de faim.
J’espérais voir de ma détresse
L’hôpital adoucir la fin ;
Mais tout est plein dans chaque hospice,
Tant le peuple est infortuné !
La rue, hélas ! fut ma nourrice.
Vieux vagabond, mourons où je suis né.
Aux artisans, dans mon jeune âge,
J’ai dit : Qu’on m’enseigne un métier.
Va, nous n’avons pas trop d’ouvrage,
Répondaient-ils ; va mendier.
Riches, qui me disiez : Travaille,
J’eus bien des os de vos repas ;
J’ai bien dormi sur votre paille.
Vieux vagabond, je ne vous maudis pas.
J’aurais pu voler, moi, pauvre homme ;
Mais non : mieux vaut tendre la main.
Au plus, j’ai dérobé la pomme
Qui mûrit au bord du chemin.
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