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LES BŒUFS

1845


        J’ai deux grands bœufs dans mon étable,
        Deux grands bœufs blancs marqués de roux ;
        La charrue est en bois d’érable,
        L’aiguillon en branche de houx ;
        C’est par leurs soins qu’on voit la plaine
        Verte l’hiver, jaune l’été ;
        Ils gagnent dans une semaine
        Plus d’argent qu’ils n’en ont coûté.

                S’il me fallait les vendre,
                J’aimerais mieux me pendre ;
J’aime Jeanne ma femme : eh bien, j’aimerais mieux
    La voir mourir, que voir mourir mes bœufs.

        Les voyez-vous, les belles bêtes,
        Creuser profond et tracer droit,
        Bravant la pluie et les tempêtes,
        Qu’il fasse chaud, qu’il fasse froid.
        Lorsque je fais halte pour boire,
        Un brouillard sort de leurs naseaux,
        Et je vois sur leur corne noire
        Se poser les petits oiseaux.
                S’il me fallait, etc.

        Ils sont forts comme un pressoir d’huile,
        Ils sont doux comme des moutons.
        Tous les ans on vient de la ville
        Les marchander dans nos cantons
        Pour les mener aux Tuileries,
        Au Mardi Gras devant le Roi
        Et puis les vendre aux boucheries ;
        Je ne veux pas, ils sont à moi.
                S’il me fallait, etc.