Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/252

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        Quand tu mourais pour elle,
    Ami, Claire vivait pour toi :
            Magicienne
            Aérienne,
De sa fenêtre elle lorgnait la tienne,
    Et, par les fentes du volet,
    Vers ton front sous le pistolet,
De ses doigts blancs un baiser s’envolait.
        Surgite, pour me suivre,
        Mortui, qu’on s’enivre ;
Le verre en main, essayons de revivre !

    Point de blasphèmes : autant vaut
        Aboyer à la lune.
        La Gloire et la Fortune
    Ont fait leurs nids d’aigle bien haut ;
            Mais, en campagne,
            Sur la montagne,
Jeunes chasseurs, si le sommeil vous gagne,
    Qu’au voisin glacé par le vent
    Un camarade bon vivant
Tende sa gourde et répète : En avant !
        Surgite, pour me suivre,
        Mortui, qu’on s’enivre ;
Le verre en main, essayons de revivre !

    J’ai quelque droit, vous le sentez,
        De prêcher sur ce thème ;
        J’en suis au quatrième
    De mes suicides tentés.
            En vain je blâme,
            Ce siècle infâme ;
En vain cent fois j’ai dit : Partez, mon âme !
    Que Dieu seul la pousse dehors ;
    Rose y tient : je garde mon corps ;
Ses jolis yeux font revenir les morts.
        Surgite, pour me suivre,
        Mortui, qu’on s’enivre :
Le verre en main, essayons de revivre !