Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/295

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L’officier, frisant sa moustache,
Se redresse et répond soudain :
« Vraiment, c’est une noble tâche
Que de soulager son prochain ;
Cependant, je n’y puis rien faire,
Ce n’est pas de notre ressort.
Courez donc chez le commissaire,
Le pendu vit peut-être encor ! »

Le commissaire sur la place
Descendit, c’était son devoir.
D’un coup d’oeil embrassant l’espace,
Il cria de tout son pouvoir :
« Un jeune homme vient de se pendre.
Villageois, debout, courez fort,
Emportons de quoi le dépendre,
Peut-être bien qu’il n’est pas mort ! »

Vers le bois on arrive en troupe,
On s’arrête en soufflant un peu,
On saisit la corde, on la coupe.
Le cadavre était déjà bleu !
Sur l’herbe foulée on le couche.
Un vieux s’approche et dit : « D’abord
Soufflez-lui de l’air dans la bouche,
C’est pas possible qu’il soit mort ! »

Les amis pensaient : « Est-ce drôle
De se faire périr ainsi ! »
La fillette, comme une folle,
Criait : « Je veux mourir aussi ! »
Mais les parents, miséricorde,
Disaient en guise d’oraison :
« Partageons-nous toujours la corde,
C’est du bonheur pour la maison ! »

Mac-Nab.


Heugel et Cie, Éditeurs. Au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne. Paris.)