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Les vierges, les enfants à la chair délicate.
Que Moloch a choisis pour son hideux festin.

Mon baiser pétillait comme une flamme vive
Sur ton corps jeune et riche, et tu disais : « Je veux,
Chaque jour, et longtemps, longtemps, quoi qu’il arrive,
T’étreindre dans mes bras contre mon flanc nerveux. »

Dans le temple dallé de gypse et de porphyre,
Très graves, l’œil fatal, les prêtres sont venus,
Et ceux aussi qu’attend un horrible martyre,
Candides, résignés, harmonieux et nus.

Dans le silence, alors, vibre une voix qui chante
L’hymne du sacrifice, autour du piédestal
Où la divinité rayonne incandescente.
La mort approche : et c’est le suprême signal.

Chaque jour, et longtemps, ô ma douce charmeuse,
— La splendeur de ta forme étalée à loisir, —
Ta voix chaude sonnait dans l’alcôve endormeuse
Le facile rappel de mon bouillant désir.

La mort passe. Aussitôt retentit la cymbale,
Couvrant de son fracas, pareil au bruit des flots,
La chair qui fume et hurle et, palpitante, râle
Vers l’implacable azur ses immenses sanglots.

Telle, avec une ardeur chaque jour plus étrange,
Comme le dieu Moloch à mufle de taureau,
Ô femme, mon idole ! ô monstre à tête d’ange !
Dans l’ampleur de tes flancs tu creusais mon tombeau !

Alcide Bonneveau.