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À L’ESBÉKIEH


Près du Nil, à l’Esbékieh,
Lui, vieux comme un antiquaire,
D’une femme au petit pied
Tombait amoureux, au Caire.

Voilant son front soucieux,
Marchant d’un pas de fantôme,
On ne voyait que ses yeux,
Mais ils valaient un royaume.

Il lui dit : « Je suis Anglais,
Là-bas, près d’un vieux platane,
Je fais bâtir un palais
Dont tu seras la sultane.

— Mes aïeux (j’en connais six),
Dit la belle aux dents d’albâtre,
Furent tous prêtres d’Isis,
Ma grand’mère est Cléopâtre.

César l’aima, puis mourut ;
Après lui mourut Antoine,
Sans que nul le secourût
Qu’un Grec de la Macédoine.

Nos bras blancs sont amoureux,
Mais nos baisers sont farouches ;
Nous portons malheur à ceux
Qui s’endorment sur nos bouche.

Viens. — J’y vais, répondit-il,
Et j’applaudis la nouvelle,
Car j’arrivais au vieux Nil
Pour me brûler la cervelle. »

Henri de Lacretelle.