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— Comme il rit longtemps, observa Firmin.

— Ce rire a quelque chose d’effrayant, ajouta Léontine.

— Allons voir, dit Bertrand, d’une voix altérée.

Ils appelèrent le marié, mais il ne leur répondit point. Ils voulurent ouvrir, mais la porte avait été fermée en dedans et la clef étail restée dans la serrure. Ce n’est qu’après avoir brisé le pêne qu’ils purent entrer. Ils trouvèrent Sylvain, debout dans un coin de la chambre, tenant la poupée dans ses bras. Il ne riait plus, il ne parla point. Ses yeux immobiles paraissaient ne plus voir.

Soudain les muscles de sa face se contractèrent dans un effort violent, il serra la poupée contre sa poitrine, ses yeux jetèrent comme une lueur d’intelligence : « Geneviève » ! dit-il. Et ce fut sa dernière parole.

Le malheureux était fou et muet.

V

Pour les lecteurs qui aiment à connaître la fin de toute histoire, je puis donner l’épilogue de celle-ci :

Deux ans après le mariage, Sylvain mourut sans avoir recouvré un instant sa raison. Geneviève, de plus en plus chétive, ne lui survécut que quelques jours.

La veuve, si intéressante par son malheur, toujours jeune et riche ; plus belle que jamais, sous son vêtement de deuil, vit sa main recherchée par les plus brillants partis de la contrée. Elle est aujourd’hui l’épouse heureuse d’un préfet.

MARTIAL MOULIN.