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Quand ils furent de l’autre côté de la rivière, se voyant momentanément seuls sur la route, Métalli offrit son bras à Perlette, qui, cette fois, l’accepta.

Bientôt il la prit par la taille et ils ralentirent le pas.

Le ciel était d’un bleu gris, très doux, les zéphyrs dormaient et les allouettes perdues dans la buée automnale, commençaient à chanter, en tournoyant, leur rustique ritournelle.

Le soleil piquait des étincelles d’or et d’argent sur les vastes rotondités des concombres orangés et verdâtres, étendus dans les champs, au milieu de leurs rinceaux rugueux et de leurs larges feuilles vertes.

Au loin, dans les glèbes, on entendait : Bouchâ, gaiâ, houâ, maulié, rrrroux !

Avec les baumes des menthes foulées par les bestiaux pâturants, leur arrivaient les âcres senteurs des meulons de gramens, au loin carbonisés dans les champs.

Ils allaient ainsi par la route blanche de lumière, bordée d’aubépins rougeoyants et de vignes ensafranées, encore tigrées de la chaux dont les badigeonna le vigneron ; et Métalli, que les baisers et les humides regards de Perlette avaient enflammé ; que l’instant prochain de la séparation rendait encore plus ardent à aimer, était en toutes les concupiscences et n’osait… ne savait comment… Bien sûr elle ne voudrait pas…

Ils traversaient un taillis, lorsque Perlette, en apercevant les bruyères en fleurs, eut le désir de s’arrêter un instant :

— Et si nous nous reposions un peu, dit-elle.

— Bien volontiers, dit Métalli : et, déjà tout radieux d’espérance, il l’entraînait dans le fourré.

Là au moins, ils n’auraient d’autres témoins que les mésanges des chênes…

— Non, non ! fit-elle : là, au bord de la route… c’est dangereux là-bas.

— Et pourquoi ? demanda Métalli.

— Parce que… Je vais vous dire : j’ai toujours craint les couleuvres.

— Ah ! fit Métalli, qui ne s’attendait point à cela… Mais ce n’est point la saison…

— Merci ! avec cette chaleur…

Et elle s’assit au bord du chemin, dans les calaments en fleurs, d’où s’élancèrent les sauterelles.

Métalli s’assit de même.

Quoique un peu désappointé, il ne se découragea pas et, voyant avec quelle affectation, la pudique Perlette tirait sa robe pour dérober aux regards même la naissance de sa jambe rondelette, il s’aventura à relever un peu le bord de cette robe, comme pour en examiner le dessin.