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Et parler les héros, que le penseur rêva,
Ouvrit tout grand son seuil à ta verve féconde
Comme à la voix du Dieu biblique, tout un monde
À ta parole se leva.


Richard Darlington, drame où l’horreur étincelle,
Paul Jones, Kean, le Comte Hermann, Mademoiselle
De Belle-Isle, Antony, Thérésa ! Que de noms,
Ô vieux Titan de bronze, à graver sur ton socle ;
C’est toi notre Térence et toi notre Sophocle,
Et deux fois nous te couronnons !


Le tragique laurier et la palme comique
Sont à toi, qui brisas l’entrave académique,
À toi, qui rendis l’aile à l’immense Action,
Et, dans ton drame ardent, mêlant avec le rire
Les sanglots des humains et les pleurs de la lyre,
Y fis gronder l’Émotion !

II

Tel nous t’avons aimé, tel un maître sublime
A voulu dans l’airain, qui palpite et s’anime,
T’incarner, pour qu’aux yeux des siècles à venir,
Triomphant de l’effort des âpres destinées,
Ton image vécût d’aussi longues années
Que ton œuvre en leur souvenir.

Tout ce qu’avait son cœur d’énergie et de flamme,
Son culte, son amour, son art, sa foi, son âme,
Qui de l’éternité déjà portait le sceau,
Il fondit tout cela, voulant l’œuvre parfaite,
La mort qui l’attendait, sitôt qu’elle fut faite,
Brisa l’artiste et le ciseau.