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Page:La peau de chagrin, Honoré de Balzac.pdf/50

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LA PEAU DE CHAGRIN

brunis, les rayures capricieuses en étaient si propres et si nettes, que, pareilles à des facettes de grenat, les aspérités de ce cuir oriental formaient autant de petits foyers qui réfléchissaient vivement la lumière ; il démontra mathématiquement la raison de ce phénomène au vieillard qui, pour toute réponse, sourit avec malice. Ce sourire de supériorité fit croire au jeune savant qu’il était dupe en ce moment de quelque charlatanisme ; il ne voulut pas emporter une énigme de plus dans la tombe, et retourna promptement la peau comme un enfant pressé de connaître les secrets de son jouet nouveau.

— Ah ! ah ! s’écria-t-il, voici l’empreinte du sceau que les Orientaux nomment le cachet de Salomon.

— Vous le connaissez donc, demanda le marchand dont les narines laissèrent passer deux ou trois bouffées d’air qui peignirent plus d’idées que n’en pouvaient exprimer les plus énergiques paroles.


— Existe-t-il au monde un homme assez simple pour croire à cette chimère ? s’écria le jeune homme piqué d’entendre ce rire muet et plein d’amères dérisions. Ne savez-vous pas, ajouta-t-il, que les superstitions de l’Orient ont consacré la forme mystique et les caractères mensongers de cet emblème qui représente une puissance fabuleuse ? Je ne crois pas devoir être plus taxé de niaiserie dans cette circonstance que si je parlais des Sphinx ou des Griffons, dont l’existence est en quelque sorte scientifiquement admise.

— Puisque vous êtes un orientaliste, reprit le vieillard, peut-être lirez-vous celle sentence,