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regretter, je crois, que ce vœu n’ait pas été exaucé sur l’heure, et que tout le bassin du Congo ne soit pas tombé au pouvoir d’un seul peuple. Politiquement, cette situation aurait été fâcheuse, et la police du fleuve se fera tout aussi bien, si ce n’est mieux, par la Commission internationale dont j’ai parlé plus haut, pourvu qu’on l’investisse de pouvoirs suffisants, qu’elle ne l’aurait été par un État irresponsable quel qu’il fût.

Et maintenant, quelle probabilité y a-t-il que l’initiative que je viens de prendre en portant devant vous, Messieurs, la question du Congo, aura pour effet la conclusion d’un traité conforme aux vues que j’ai eu l’honneur de vous exposer ?

Je ne suis pas éloigné d’espérer, je l’avoue, qu’elle portera cet heureux fruit. J’en ai pour garants les dispositions favorables que l’on peut s’attendre à rencontrer pour cela, aussi bien chez les puissances intéressées que dans le sein de notre Institut.

Ce n’est pas comme pour le canal de Suez, dont nous nous sommes occupés naguère. Les deux cas, en effet, quoiqu’on ait établi un rapprochement entre eux, ne sont pas assimilables[1]. Pour le canal, il s’agissait de prendre des précautions, afin d’empêcher sa détérioration ou sa fermeture en cas de guerre,[2] et aucune mesure propre à atteindre ce but, ne put parvenir à concilier les intérêts considérables qui se trouvaient en conflit sur ce point.[3] Pour le Congo, au contraire, comme les intérêts des diverses puissances sont presque identiques, et que c’est en vue de l’état de paix qu’une entente est désirée, les chances de succès sont tout autres. Il n’y a pas à redouter, par exemple, que les États riverains trouvent, comme on le craignait en Égypte, « leurs droits d’indépendance compromis et même leur dignité lésée[4], » par les propositions auxquelles on leur demanderait de souscrire.

En ce qui concerne la France, n’oublions pas que de Brazza a dit qu’il prenait possession de Ntamo, « le point commercialement stratégique autour duquel s’agite la question du Congo[5], » « non pour fermer

  1. Gessner (Die Gegenwart).
  2. Annuaire de 1879-80, t. I, p. 335.
  3. Ibid., 350.
  4. Ibid., 336.
  5. Revue maritime, août 1883, p. 407.