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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1126

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LES PSAUMES.

personnelle du pécheur, mais se rapportent quelquefois à sa propre correction : « Remplissez leurs faces d’ignominie, et ils chercherent votre nom, Seigneur. » (Ps. lxxxii, 17.) D’autres fois ils se rapportent au bien général de la religion et de la société. Le prophète, brûlant de zèle pour la gloire de Dieu, craignait que si la prospérité et les persécutions des méchants persévéraient, les justes ne fussent découragés, l’honneur de Dieu ne fût compromis et la religion ne souffrît un notable dommage ; ce qui paraîtra évident à quiconque jettera un simple coup d’œil sur les prophéties de Malachie. Le Psalmiste demande donc à Dieu que par sa puissance il veuille bien réprimer les efforts des méchants. Or, c’est ce que demande l’Eglise chrétienne elle-même, quand elle prie contre ses persécuteurs et quand elle ordonne des prières contre les ennemis de l’Etat. Il faut encore bien remarquer que les ennemis de David ne s’attaquaient pas à lui personnellement, mais à Dieu qui l’avait établi dans sa théocratie, et dont il était le vice-gérant, et à tout le peuple hébreu dont il était le chef. Ainsi, sans faire attention à ses injures particulières, qu’il était disposé à pardonner, il considérait dans ses persécutions l’homme de Dieu, dont il tenait la place, et le bien de l’Etat dont il était le roi. Ainsi, ce n’était pas par le sentiment d’une vengeance particulière, mais par le zèle de la gloire de Dieu qu’il désirait l’humiliation et l’extermination de ses ennemis.

5o Le prophète ne parle pas en son nom propre, mais au nom de Dieu qui l’inspire et dont il est l’organe. Or répugne-t-il aux attributs de Dieu qu’il souhaite de tirer vengeance de tout homme qui refuse opiniâtrement de se soumettre à sa volonté? Ce désir n’est-il pas lié avec l’amour de l’ordre et de la justice dont il ne saurait se départir? Mais, si ces sentiments peuvent se supposer en Dieu, pourquoi paraîtraient-ils choquants dans celui qui n’est que son interprète, qui ne fait que déclarer au dehors ce qu’il lui révèle au dedans? N’oublions pas que les saints prophètes eurent aussi les sentiments de Dieu même. Plus ils sont remplis de son amour, plus ils haïssent et détestent tous les crimes qui attaquent sa sainteté infinie; et Dieu leur découvrant par sa lumière divine l’endurcissement et l’impénitence des méchants, et la résolution infiniment juste où il est de les punir, ils entrent dans les sentiments de sa justice vengeresse, ils les approuvent et désirent la punition des coupables, mais ils la désirent comme Dieu lui-même, c’est-à-dire sans passion, sans mouvement de haine, sans emportement de colère, par le seul amour de l’ordre et de la justice éternelle.

6o Enfin, il faut se rappeler que ces imprécations sont exprimées dans un style poétique, style beaucoup plus véhément et plus hyperbolique chez les Orientaux qu’il ne l’est parmi nous, dont l’imagination infiniment plus froide et plus calme ne se permet pas toutes ces exagérations.

II. L’Ecriture, comme l’a remarqué saint Augustin, a une langue particulière, et ceux qui n’en ont pas appris les règles, ne pouvant l’entendre qu’avec beaucoup de peine, se trouvent embarrassés quand ils veulent l’expliquer : Scriptura nostra quomodo loquitur, sic intelligenda est : habet linguam suam; quicumque hanc linguam nescit, turbatur (Tract. x in Joan., c. ii). En effet, les écrivains sacrés étant originairement hébreux ou hellénistes, c’est-à-dire Grecs hébraisants, nous ont transmis les Livres saints avec toutes les locutions et toutes les expressions propres à la langue hébraïque. D’un autre côté, ceux qui les ont traduits de l’hébreu en grec, ou du grec en latin, n’ont presque rien changé à ces idiolismes. De là ces hébraïsmes et ces héllénismes sans nombre,